le concierge est dans l’escalier
la plupart du temps – et depuis toujours – je somnole douillettement au fond de moi. le pilote automatique gère très bien mes déplacements, même s’ils semblent parfois réalisés par George A. Romero. être en prise directe avec la réalité me tente à peu près autant que de mettre mes doigts mouillés dans une prise électrique.
cela ne pose pas de souci sur les réseaux sociaux, où il est tout à fait admissible de répondre à un commentaire le lendemain.
dans la vraie vie, il n’en va pas tout à fait de même.
lorsque quelqu’un m’adresse la parole, par exemple, le système de guidage oriente mon visage vers l’interlocuteur et envoie un message non prioritaire à l’administration, signalant qu’une réponse est attendue au guichet n°3 où je présente pour l’instant mon visage avec cet air ahuri qui plaît tant aux dames. réactivité : nulle. sens de la répartie : zéro. quand, deux ou trois jours après, je réponds à la question, certains ont du mal à rétablir le fil.
en cas d’agression, le veilleur de nuit prend sa lampe tempête et descend les escaliers, aussi vite que son arthrose le lui permet, pour venir en personne m’alerter : « vous êtes l’objet d’une attaque, une réaction serait la bienvenue ! ». je rassemble alors toute mon énergie (il paraît que je deviens blanc de colère) et remonte quatre à quatre les escaliers jusqu’à la surface. quand j’arrive, prêt à détruire tout ce qui se mettra en travers de mon chemin, la plupart du temps, l’agresseur est déjà loin, ne restent que les témoins me regardant bizarrement.
plusieurs années durant, les miettes de cet évènement m’agaceront dans ma couche, en mon royaume intérieur.